Ecrit il y a quelques années par un chirurgien, ce texte témoigne d'une réalité encore actuelle lors de chaque mission médicale!
Written some years ago by a surgeon, this text witnesses a ongoing reality.
Recruté au pied levé par Caroline Vergez, après avoir bien argué de mon incompétence en médecine générale, ayant toujours exercé en spécialité, je débarque à General Santos sans savoir exactement où je mets les pieds. En l’absence d’idées sur la façon dont on traite un diabète, une tuberculose ou une hypertension artérielle (et aussi un peu en raison de mon cursus) je suis préposé à la chirurgie !
Je découvre les conditions précaires de ce que je n’ose appeler un bloc opératoire : des montants en bois recouvert de tissu délimitant un espace d’environ 1,5m x 3m dans lequel se trouvent un divan d’examen en triste état, une chaise de jardin en plastique et une table roulante en inox pour poser le matériel. L’éclairage est inexistant. Il n’y a pas de bistouri électrique. J’ai l’impression de retourner en arrière dans le temps, entre le Moyen Âge, où l’on cautérisait les plaies au fer rouge et à l’huile bouillante, et notre époque. Peut-être du temps d’Ambroise Paré qui avait généralisé l’hémostase par ligature des vaisseaux. Je sais maintenant ce qu’il manque comme matériel ; ma valise risque d’être lourde l’année prochaine !
La chirurgie impose de savoir s’adapter rapidement aux circonstances imprévues ! Je démarre donc les interventions avec une lampe frontale de randonnée, quelques instruments chirurgicaux et Emily, l’infirmière américaine de compétition qui m’a été attribuée. Il ne s’agit que de « petite chirurgie » (lipomes sous-cutanés, kystes dermiques parfois de la taille d’une orange…) mais qui, compte tenu des conditions précaires, deviendrait presque de la « moyenne chirurgie » ! Emily, pragmatique et adaptable (américaine !) s’habitue très vite à ma façon de travailler et nous permet de réaliser jusqu’à 18 interventions dans la même journée en plus des consultations.
Il est un peu frustrant de voir beaucoup de pathologies que l’on pourrait prendre en charge en France mais que les moyens techniques de la mission ne permettent pas d’assumer sur place (pathologie thyroïdienne très fréquente, tumeur de la parotide, énorme kyste d’origine dentaire…). Cependant, la Mission, grâce aux dons récoltés par l’ACIM, pourra financer la prise en charge de beaucoup de ces patients sur place par les praticiens locaux, après négociations sévères par Yolly qui sert d’intermédiaire avec les différents organismes Philippins avec lesquels nous traitons (vos dons ne sont pas gaspillés !). Pour le reste on fait ce que l’on peut, sur place, avec les moyens que l’on a en se disant que de toute façon si nous n’étions pas là, ces patients n’auraient aucune autre espèce de prise en charge faute de couverture sociale et de moyens financiers.
Je conclus avec Ambroise Paré : « Je le pansay, Dieu le guarist ».
English text below
Recruited on short notice by Caroline Vergez, after underlining my ineptitude
regarding general medicine, I arrive in General Santos without fully knowing where I
just landed. Because of my lack of knowledge about diabetes, tuberculosis, or
arterial hypertension treatments (and because of my previous experience as well) I
am assigned to surgery!
I then discover the precarious conditions of something I can hardly call an operating
room: a 1,5 x 3m space whose only limits are wooden frames recovered by a cloth.
Inside there is a run-down examination couch, a plastic garden chair, and a stainless
steel table on wheels for the equipment. No lighting, no electrical scalpel...I feel like
I’m traveling back in time, somewhere between the Middle Ages when wounds were
cauterized with a red-hot iron and boiling oil and today. Maybe around Ambroise
Paré’s time, who himself made the hemostasis by the vessel's ligation widespread.
Now I know what tools are missing...my luggage may be quite heavy next year!
Surgery requires an effective adaptation to any unforeseen circumstances. I,
therefore, start the interventions equipped with a hiking headlamp, some surgical
tools, and Emily, the highly qualified American nurse who was assigned to help me.
We are only doing minor surgery (subcutaneous lipomas, dermoid cyst sometimes
as big as an orange…). However, considering the operating room’s precarious state,
it might be rightly called “medium surgery”! Emily, pragmatic and adaptable
(American!), gets quickly used to my way of working and enables us to do up to 18
interventions a day along with many consultations.
It is very frustrating to see all these pathologies which could be taken care of in
France but must remain untreated because of the mission lacking technical means
(very frequent thyroid pathology, parotid glands tumor, huge dentigerous cysts...).
Yet, thanks to all the donations gathered by the ACIM, the mission will be able to
fund the treatments by local physicians of many patients. This is without forgetting
the significant negotiations led by Yolly, the mediator between the ACIM and
numerous organizations (your donations are not wasted!)
For what's left, we make do with what we have on-site, reminding ourselves these
patients would be left untreated if it weren’t for us because of the lack of social
protection cover and financial means.
I end this article by quoting the famous French surgeon, Ambroise Paré:
“Je le pansay, Dieu le guarist”
“I bandaged him and God healed him.”
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